À la seule mention du mot « polygamie », des sourcils se lèvent, des remarques sarcastiques et des blagues douteuses se font entendre. Depuis le 19e siècle, quand les concepts d’orientalisme et de colonialisme se sont mis à dominer la pensée occidentale, mentionner à la fois la polygamie et l’islam évoque des images d’Arabes au teint basané entourés de femmes faisant office de jouets sexuels. Plus récemment, le terme polygamie s’est mis à évoquer, aussi, des fondamentalistes de l’église mormone ayant des relations sexuelles avec des filles n’ayant pas atteint leur majorité.
Bien que ces images se fondent sur une réalité minoritaire, il demeure qu’elles sont bien loin de l’expérience vécue dans la majorité des unions polygames. La polygamie est une entente matrimoniale qui, dans certaines situations, fait tout à fait l’affaire de toutes les parties impliquées. Et c’est loin d’être une pratique limitée aux pays du Moyen-Orient ou aux pays musulmans. On retrouve cette pratique partout, dans le monde, et elle dépasse les frontières de la culture et de la religion. Elle existait dans les temps anciens et n’a jamais cessé d’exister depuis des millénaires.
Au 21e siècle, la polygamie et toutes ses implications et complications connaît une résurgence, aidée par l’œil scrutateur des médias. Les populaires émissions américaines telles que l’Oprah Winfrey Show et la chaîne Discovery ont souvent parlé de la polygamie en Amérique du Nord.
Partout à travers le monde, les opposants à la polygamie dénoncent l’exploitation et l’abus des femmes dans de tels mariages et décrivent cette pratique comme arriérée et moyenâgeuse. Ce n’est pourtant pas l’avis des femmes qui vivent, de nos jours, au sein de mariages polygames. Ces femmes parlent de liberté de choix, de liberté de religion. La polygamie, malgré ce qu’on en pense, ne se résume pas à un homme qui domine plusieurs femmes et en abuse. On parle, ici, d’hommes et de femmes adultes qui ont choisi de s’impliquer dans une forme de mariage qui répond à leurs besoins, leurs désirs et leurs aspirations.
Contrairement à ce que croient certains, ce n’est pas l’islam qui a introduit la polygamie dans le monde. La polygamie existait bien avant cela et ce que l’islam a fait, c’est d’y imposer des restrictions et des conditions afin d’éviter les abus. Mais, avant de discuter plus longuement de l’islam et de la polygamie, il peut être utile de définir clairement ce qu’on entend par polygamie.
La polygamie signifie être marié à plus d’une personne en même temps. Le terme provient de deux mots grecs, polys, qui signifie plusieurs, et gamos, qui signifie mariage. Il existe deux types de polygamie, soit la polygynie, au sein de laquelle un homme est marié à plus d’une femme, et la polyandrie, au sein de laquelle une femme est mariée à plus d’un homme. À travers le monde, ces deux formes sont pratiquées, avec certaines variantes, dans diverses cultures. Mais, en islam, une seule forme est permise, soit la polygynie.
Il est incorrect d’affirmer que le christianisme et le judaïsme ont toujours été opposés à la polygamie. La polygynie a été pratiquée, à divers degrés, à travers toute l’histoire des trois grandes religions. La Torah et la Bible ne condamnent nulle part la polygynie. Au contraire, certains des plus grands et respectés prophètes de ces religions, dont Abraham, David, Jacob et Salomon, étaient polygames. Cependant, s’il n’y a aucune condamnation de la polygynie, il n’y a pas, non plus, de restrictions ou de règles qui s’y rattachent.
Les trois grandes religions monothéistes ont, à un moment ou l’autre, été accusées de misogynie et il ne fait aucun doute que certaines histoires et traditions viennent justifier ces accusations, surtout quand on fait référence aux femmes comme à des « propriétés » ou que la polygynie est pratiquée sans restriction aucune. L’islam a donc limité le nombre de femmes qu’un homme peut épouser et imposé des règles strictes à suivre pour un traitement équitable. Les inégalités qui existent entre les sexes dans le monde musulman se fondent sur des aberrations culturelles qui ne sont aucunement reconnues par la loi islamique.
Dans le Coran, les femmes sont décrites comme égales aux hommes et l’islam préserve les droits et responsabilités de chaque membre de la communauté humaine. Les différences entre les sexes sont reconnues et appréciées. La vie d’un homme vaut celle d’une femme et aucune vie ne vaut plus qu’une autre. L’islam fonde ses assises sur le respect, la tolérance et la moralité présents dans les enseignements du judaïsme et du christianisme et se présente comme un mode de vie applicable à tous les peuples, à tous les lieux et à toutes les époques. La polygynie est permise, en islam, et elle ne diminue d’aucune façon les droits des femmes ou leur égalité.
L’islam a pris une pratique déjà bien implantée et y a imposé des règles pour prévenir le chaos et les abus au sein des familles. Une famille bien équilibrée, dans laquelle les droits de tous les membres sont respectés et maintenus, voilà la pierre angulaire de l’islam. Car une communauté morale et éthique découle de cette structure familiale et se fonde sur des notions réalistes d’égalité des genres.
La polygynie est une façon parmi d’autres, pour les hommes et les femmes adultes, de contribuer à la santé d’une société libre de toute immoralité et elle est permise sous certaines conditions clairement établies. La polygynie est loin d’être un dogme fixe inhérent à l’islam, tout comme elle n’est aucunement obligatoire. Le Coran donne la permission, à un homme, d’épouser jusqu’à quatre femmes, qui devront toutes avoir les mêmes droits et privilèges. Mais cela demeure, justement, une permission et non pas une obligation, ni un encouragement. Aucune femme ne peut être forcée, malgré elle, à épouser un polygame.
Les musulmanes jouissent de droits inaliénables que leur a donnés Dieu et certains ont trait au mariage. Le fait de vivre au sein d’un mariage polygame ne modifie ni n’annule aucun de ces droits, pas plus que le fait de vivre au sein d’un mariage qui a commencé comme monogame et qui est devenu polygame par la suite. Le mariage, en islam, est une association entre deux êtres qui cherchent d’abord et avant tout à plaire à Dieu en menant une vie rangée et morale. Les hommes, comme les femmes, ont le loisir de choisir avec qui ils désirent se marier et l’islam tient parfaitement compte des désirs particuliers de chacun.
Les femmes, en islam, possèdent des droits auxquels les femmes, en Occident, rêvaient il n’y a encore pas si longtemps. Elles sont les premières à avoir pu négocier des arrangements prénuptiaux, à participer activement en politique et à la vie universitaire et ce, à une époque où les femmes, ailleurs dans le monde, étaient pour la plupart illettrées. La polygynie maintient les droits des femmes et l’égalité des genres. Et pourtant, la simple mention de la polygamie suffit à créer de l’inconfort, de la crainte et du mépris. Pourquoi ce genre d’union fait-il autant peur? Croyons-nous vraiment que la monogamie soit la seule option acceptable? Et que dire de nos sociétés actuelles qui permettent, et même encouragent, les comportements répréhensibles? Les hommes et les femmes s’embarquent dans des relations et en sortent tout aussi facilement, sans trop considérer l’impact sur les sentiments de l’autre ni sur les enfants issus de ces unions. Le mariage est méprisé en faveur d’une série de relations monogames (ou non). Les hommes prennent souvent des maîtresses, mais celui qui souhaite avoir plus d’une épouse légale, tout en assumant ses responsabilités envers toutes ses épouses et ses enfants issus de ses mariages est immédiatement condamné et traité d’obsédé sexuel.
Même dans le monde musulman, les hommes et les femmes qui choisissent la polygamie sont parfois condamnés. Malgré tout, la polygamie recommence à se répandre petit à petit. Même des séries télé égyptiennes commencent à montrer la polygamie comme un mode de vie acceptable. Le terme « polygamie » nous force à regarder en face certains faits liés à la nature humaine. Ceux qui la choisissent optent pour un type de mariage qui traîne derrière lui une longue histoire et qui a encore beaucoup à offrir, même aux citoyens du 21e siècle.